Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/53

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les projets de l’Espagne ; il disoit que tout le monde riait de voir que cette couronne prétendît donner la loi quand elle étoit elle-même exposée et sur le point d’être forcée de la recevoir ; qu’il sembloit par les discours de ses ministres à Rome que le royaume de Naples fût déjà conquis, le Milanois englouti, l’infant don Carlos grand-duc de Toscane et duc de Parme et de Plaisance ; qu’il ne manquoit rien à ces progrès si rapides que la petite circonstance qu’il n’y avoit pas la moindre ombre de vérité ; qu’au lieu de ces fables, la monarchie d’Espagne étoit tellement ruinée par des dépenses capricieuses et folles que le roi d’Espagne, trompé par les espérances dont on l’amusoit de recouvrer les domaines d’Italie, emploieroit seulement ses richesses à défendre et enrichir le duc de Parme.

Cellamare, très attentif à sa fortune, vouloit en même temps plaire à la cour d’Espagne et ménager son oncle ; l’événement lui fit voir que l’un et l’autre ensemble étoit impossible ; mais avant qu’il en eût fait l’expérience entière, ne pouvant rien mander à son oncle d’agréable de la part de l’Espagne, il essaya de le consoler et de l’adoucir en l’assurant que la cour de France étoit très satisfaite de la conduite qu’il tenoit à l’égard de la constitution, etc.

Il est certain que le pape connoissoit l’intérêt qu’il avoit de ménager les couronnes dans une conjoncture où il s’agissoit de donner à plusieurs États d’Italie une nouvelle face par le traité de paix qu’on proposoit de faire entre l’empereur et le roi d’Espagne. Les droits du saint-siège étoient particulièrement intéressés dans les dispositions projetées, et le pape prévoyoit assez qu’il auroit à souffrir s’il n’avoit pour lui les princes dont le secours et la puissance pouvoient le garantir du préjudice dont il étoit menacé. Sa Sainteté, connoissant ses intérêts, se contentoit cependant de simples paroles ; elle faisoit dire qu’elle désiroit sincèrement la paix entre l’empereur et le roi d’Espagne ; elle avertissoit qu’une paix contraire à la justice ne pouvoit être bonne, mais loin