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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/8

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besoin de leur maître, il se rendroit plus facile sur le mariage d’une archiduchesse qu’il désiroit avec ardeur pour le prince de Piémont.

Soit qu’ils crussent que le régent par des vues particulières traverseroit ce mariage, soit que ce fût dans leur pensée de faire un mérite à la cour de Vienne de parler contre le gouvernement de France, ils parloient avec peu de circonspection de la personne de M. le duc d’Orléans. La conclusion de leur discours étoit qu’il ne seroit pas bien difficile d’enlever le roi des mains de Son Altesse Royale. Un de ces Piémontois, nommé Pras, se porta même jusqu’à dire que le projet en étoit fait, et qu’il osoit répondre de l’exécution. Le roi n’avoit alors d’autre ministre à Vienne qu’un nommé du Bourg, que le comte du Luc, dont il étoit secrétaire, avoit laissé à cette cour quand il en étoit parti pour revenir en France. Pras s’imagina que du Bourg étoit opposé aux intérêts de M. le duc d’Orléans, et plein de confiance ou pressé de parler, il lui dit que le roi de Sicile avoit des liaisons très intimes avec le cardinal Albéroni, et que par le moyen de cette union secrète, le roi d’Espagne avoit prétendu prendre des mesures avec l’empereur pour disposer ensemble, et de concert, du sort de toute l’Europe. Pras fit de plus voir à du Bourg une lettre horrible contre M. le duc d’Orléans qu’il supposa lui avoir été écrite de Paris. La même lettre fut communiquée à l’empereur par l’intrigue des Piémontois, qui prétendirent que ce prince en avoit été fort ému. Ils ne réussirent cependant ni dans leurs desseins ni dans les moyens dont ils se servirent pour y parvenir. Le caractère du roi de Sicile étoit connu depuis longtemps. Il voulut à son ordinaire frapper à toutes les portes. Il les trouva toutes fermées, parce que l’expérience commune avoit appris à tout le monde à se défier également de lui ; ainsi chacun se réjouissoit de voir qu’il étoit la victime de ses manèges doubles.

Dans ces circonstances, Monteléon zélé pour son maître,