Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/94

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contraire aux intérêts du roi son maître, soit pour semer la défiance, source de discorde, entre les puissances liguées ou prêtes à se liguer ensemble contre l’Espagne.

Comme le duc de Savoie n’avoit pris encore aucun engagement, Beretti crut faire beaucoup d’inspirer à l’agent que ce prince avoit en Hollande des soupçons sur les desseins que l’alliance prête à éclater pouvoit former au préjudice de la maison de Savoie. Le duc de Lorraine avoit écrit au roi d’Angleterre, et pareillement aux États généraux, représentant à l’une et à l’autre puissance que, pendant la guerre terminée par le traité d’Utrecht, les alliés lui avoient promis de l’indemniser de ses prétentions sur le Montferrat donné au duc de Savoie sans autre raison que celle du bien de la cause commune. Le roi d’Angleterre avoit déjà répondu qu’il falloit attendre un temps plus favorable, la conjoncture présente ne permettant pas d’agir pour les intérêts du duc de Lorraine, si le duc de Savoie n’y donnoit occasion par sa résistance à souscrire au traité.

La Hollande, plus lente dans ses réponses, n’en avoit fait aucune au duc de Lorraine. Le public ignoroit même que ce prince lui eût écrit quand Beretti révéla cette espèce de secret à l’agent de Sicile à la Haye, et prétendit par cette confidence lui donner une preuve de l’attention que le roi d’Espagne auroit toujours aux intérêts du roi de Sicile quand ce dernier auroit un procédé sincère à l’égard de Sa Majesté Catholique. Beretti, voulant toujours pénétrer les motifs secrets, dit à l’agent de Sicile que comme le duc de Lorraine ne remuoit pas la prunelle sans la volonté de l’empereur, on devoit regarder les lettres qu’il avoit écrites en Angleterre et en Hollande comme une insinuation procédant de quelque stratagème politique de la cour de Vienne, soit pour faire peur au roi de Sicile, soit pour se venger de lui, supposé qu’elle crût que ce prince se conduisît de bonne foi à l’égard du roi d’Espagne. Beretti, content de tout ce qu’il remarquoit d’ingénieux dans sa propre conduite, satisfoit