Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/125

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et vous avez vu qu’il ne vous en est pas arrivé le moindre inconvénient ni le moindre embarras. Reste donc la place de gouverneur du roi ; mais cette place n’est-elle pas assez importante, assez brillante ? ne tire-t-elle pas naturellement d’assez grandes suites pour tenter un homme de mon âge, qui a une famille, qui n’est revêtu que de sa dignité de duc et pair, et qui n’a jamais été avec le maréchal de Villeroy sur aucun pied de sentir le moindre embarras de recevoir sa place, avec la satisfaction de ne l’avoir ni demandée ni désirée. Enfin, cette place, en honneur, en confiance, en considération, en toutes sortes d’avantages réels, peut-elle [être] refusée et refusée jusqu’à trois différentes fois sans des considérations de contre-poids les plus fortes et les plus démontrées ? Leur base est une suite d’horreurs dont il a fallu vous remettre trop souvent [le tableau] devant les yeux pour vous les renouveler encore. Mais au nom de Dieu, monsieur, faites-y réflexion, et je m’assure que vous me rendrez justice. »

Jusqu’ici M. le duc d’Orléans m’avoit laissé parler sans m’interrompre. Ou il n’avoit pas trouvé de réplique à mes réponses, ou ces refus ne l’avoient affecté que dans le moment que l’abbé Dubois l’avoit poussé, dont mes réponses effaçoient l’impression ; mais l’importunité qu’il recevoit du maréchal de Villeroy, que rien de sa part n’avoit pu gagner, et ce qu’il en craignoit auprès du roi dans les suites, lui tenoient au cœur. Il ne put donc se satisfaire de mes réponses sur mon refus si opiniâtre et si constant de la place de gouverneur du roi. Il m’en fit des plaintes amères, et me contraignit de reprendre avec lui les raisons de mon refus, qu’on a vues ici, avec beaucoup plus d’étendue. Comme cette longue explication ne roula que sur les mêmes principes, tant à l’égard des raisons de ne point ôter le maréchal de Villeroy de cette place, quelque mal qu’il s’en acquittât, quelque incapable qu’il en parût, et qu’il en fût, quelque dangereux qu’il y pût être au régent, et sur celles de ne m’y