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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/151

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peut le croire, que l’affaire d’un instant. Le Blanc eut ordre d’en dresser l’édit et les patentes dans le même secret et avec la même diligence. Personne ne le sut donc que par le remerciement que M. le duc de Chartres en fit publiquement au roi, mené par M. le duc d’Orléans en même temps que le parlement l’enregistroit.

Cette compagnie, conduite par le premier président, à qui sans doute le maréchal de Villeroy avoit parlé à l’oreille, n’eut garde de faire la moindre difficulté et de ne pas faire sa cour au régent, d’une chose qui pouvoit si aisément servir dans la suite de matière à l’étrangler. En effet on a vu quelle importante figure a su faire le fameux duc d’Épernon, par cette charge qui dispose de tous les emplois de l’infanterie, et des états-majors des places et des régiments d’infanterie, seule alternativement avec le roi, même de celui des gardes, qui décide souverainement de tous les détails des corps et des garnisons et avec qui il faut que la cour compte sur tout ce qui regarde l’infanterie. On laisse à penser ce qu’une telle charge pouvoit devenir entre les mains d’un premier prince du sang, fils unique du régent, et à l’âge de l’un et de l’autre, avec le gouvernement du Dauphiné et la parenté si proche de Savoie. Il est vrai que le régiment des gardes et celui du roi furent soustraits à cet office par sa réérection. Mais cela marquoit plus la faiblesse du régent que la diminution d’un pouvoir énorme sans cela, et que M. de Chartres seroit toujours en état de reprendre dans la suite sur ces deux corps exceptés sans droit de leur part. La surprise générale fut grande, et les réflexions peu avantageuses qui ne furent ni tues ni épargnées. Le maréchal de Villeroy n’avoit pas l’esprit d’en cacher sa maligne joie, et M. le duc d’Orléans fut longtemps à s’apercevoir du tort extrême qu’il s’étoit fait. Il ne me parla point de l’affaire avant qu’elle fût faite, parce qu’elle la fut dans un tourne-main. Peut-être attendit-il après que je lui en fisse mon compliment, comme tout le monde : s’il l’attendit, il se trompa ; je ne lui en dis