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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/21

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donnoit ni rang, ni illustration, ni rien, dont je susse que faire, et qui ne m’apportoit qu’un travail aveugle par mon ignorance en ce genre, et fort ingrat d’ailleurs.

Mon refus, sans plus d’espérance de me persuader, rapporté à M. le duc d’Orléans dans ces moments critiques où il n’en falloit perdre aucun pour prendre un parti, devint la matière d’une délibération subite où je ne fus point appelé, et qui ne se prit qu’entre M. le duc d’Orléans, l’abbé Dubois et Law. Le résultat fut que Law irait trouver le chancelier qu’on savoit qui se mouroit d’ennui d’être à Fresnes ; que le chevalier de Conflans, cousin germain, ami intime du chancelier, et raisonneur fort avec beaucoup d’esprit, l’accompagneroit de la part de M. le duc d’Orléans, dont il étoit premier gentilhomme de la chambre ; que Law expliqueroit l’état présent des affaires, sonderoit si le chancelier se rendroit traitable, et si on pouvoit compter que la cire deviendroit molle entre ses mains, ses dispositions pour lui Law ; enfin si on pourroit se fier à lui à l’égard du parlement, non sur sa probité dont on ne pouvoit être en peine, mais bien de son goût, de son affection et de son espèce de culte à l’égard de cette compagnie. Conflans devoit essayer de l’effrayer par la menace d’une continuation d’exil sans fin et sans terme, même après la régence, que la fin de tout crédit de M. le duc d’Orléans, et lui en faire briller aux yeux les grâces, la confiance, le retour actuel avec les sceaux, s’il se vouloit résoudre de bonne grâce à ce qu’on désiroit de lui. Trois ans et demi de séjour à Fresnes avoient adouci les mœurs d’un chancelier de cinquante ans, qui avoit compté que, parvenu de si bonne heure à la première place, il en jouiroit et avanceroit sa famille. Ces espérances se trouvoient ruinées par l’exil, et il se trouvoit beaucoup plus éloigné de l’avancer et d’accommoder ses affaires domestiques que s’il fut demeuré procureur général. Conflans profita de ces dispositions qui ne lui étoient pas inconnues, et que l’ennui de l’exil grossissoit. Le beau parler de Law trouva des oreilles