Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/222

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d’œil en entrant. « Allons, mon maître, disoit-il, il faut faire la chose de bonne grâce. » Fréjus se baissoit et parloit au roi à demi bas, et l’exhortoit, ce me sembla, sans entendre ce qu’il lui disoit. Les autres étoient en silence très morne, et nous derniers entrés fort étonnés du spectacle, moi surtout qui savois de quoi il s’agissoit. À la fin je démêlai que le roi ne vouloit point aller au conseil de régence, et qu’on le pressoit là-dessus, je n’osai jamais faire aucun signe à M. le duc d’Orléans ni au cardinal Dubois, pour tâcher d’en découvrir davantage. Tout ce manège dura presque un quart d’heure. Enfin M. de Fréjus ayant encore parlé bas au roi, il dit à M. le duc d’Orléans que le roi irait au conseil, mais qu’il lui falloit quelques moments pour le remettre.

Cette parole remit quelque sérénité sur les visages. M. le duc d’Orléans répondit que rien ne pressoit, que tout le monde étoit fait pour attendre ses moments ; puis s’approchant entre le roi et Fréjus, tout contre, il parla bas au roi, puis dit tout haut : « Le roi va venir, je crois que nous ferons bien de le laisser ; » sortit et nous tous, tellement qu’il ne demeura avec le roi que M. le Duc, le maréchal de Villeroy et l’évêque de Fréjus. En chemin pour aller dans le cabinet du conseil, je m’approchai de M. le duc d’Orléans qui me pris sous le bras et se jeta dans mon oreille, s’arrêta dans un détroit de porte, et me dit que le roi, à la mention de son mariage, s’étoit mis à pleurer, qu’ils avoient eu toutes les peines du monde, M. le Duc, Fréjus et lui, d’en tirer un oui, et après cela qu’ils avoient trouvé la même répugnance à aller au conseil de régence, dont nous avions vu la fin. Il n’eut pas loisir de m’en dire là davantage, et nous rentrâmes dans le cabinet du conseil avec lui. Or, il étoit essentiel que le roi y déclarât, ou du moins y fût présent à la déclaration de son mariage, qui étoit chose si personnelle qu’elle n’y pouvoit passer sans lui. Ceux qui le composoient et qui étoient demeurés dans le cabinet du conseil, surpris