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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/224

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peu sur l’unanimité des suffrages à laquelle il s’étoit bien attendu sur un mariage si convenable, sur quoi il s’étendit encore un peu. Puis se tournant vers le roi, il s’inclina, et d’un air souriant, comme pour l’inviter à prendre le même, il lui dit : « Voilà donc, sire, votre mariage approuvé et passé, et une grande et heureuse affaire faite. » Puis tout aussitôt, il ordonna le rapport de l’affaire du papier, qui passa avec un grand air de regret de toute la compagnie, et dans laquelle j’opinai négativement en deux mots, comme j’en étois convenu avec M. le duc d’Orléans.

Le conseil levé, chacun se retira sans trop se joindre les uns les autres. Je démêlai sans peine que le gros approuvoit la réunion avec l’Espagne, mais étoit peiné de l’enfance de l’infante, qui retardoit si fort l’espérance d’en voir des enfants au delà du temps où le roi pouvoit devenir père, et j’en remarquai d’autres à qui rien n’en plaisoit, tels que les maréchaux de Villeroy, Villars, Huxelles et sournaisement Tallard.

Je laissai rentrer M. le duc d’Orléans au Palais-Royal, puis j’allai l’y trouver, curieux de savoir plus en détail ce qu’il n’avoit pu me dire qu’en gros à l’oreille entre ces deux portes. Il ne fit en effet qu’étendre ce qu’il m’avoit dit, parce que tout s’étoit passé avec peu de paroles. Il me dit qu’après avoir dit au roi la convention de son mariage sous son bon plaisir, il ne doutoit pas qu’il n’y voulût rien consentir, et qu’il ne l’approuvât ; sur quoi voyant ses yeux rougir et s’humecter en silence, il n’avoit pas fait semblant de s’en apercevoir, et s’étoit mis à expliquer à la compagnie la nécessité et les avantages de ce mariage, tels qu’il avoit estimé devoir passer par-dessus l’inconvénient de l’âge de l’infante ; que le Duc, après ce court discours, l’avoit repris et approuvé fort bien en deux mots ; que le cardinal Dubois avoit étendu les raisons, et atténué l’inconvénient de l’âge, par l’avantage d’élever ici l’infante aux manières françaises, et d’accoutumer ensuite le roi et elle réciproquement, tout cela néanmoins