Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/346

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à se reprendre, enfin il accoucha sans aucun secours de ma part, qui vis d’abord où il en vouloit venir, et il me dit enfin que le roi d’Espagne mouroit d’envie de me prier de demander au roi son neveu de sa part, de prendre un jésuite pour son confesseur et d’en prier en son nom M. le duc d’Orléans, et de lui faire ce plaisir en même temps que j’écrirois sur celui de l’infante, parce que l’âge et les infirmités de l’abbé Fleury pouvoient à tous moments l’engager à cesser de confesser le roi.

Cette proposition se fit avec tout l’art et l’insinuation possible à l’issue de toutes les offres de ses services pour faciliter la grandesse que je souhaitois, et tout de suite me demanda ce que j’en pensois, mais avec un air de confiance. Je le payai de la même monnaie qu’il m’avoit donnée sur mon amitié pour les jésuites, puis je lui dis que le confessionnal du roi n’étoit pas la même chose que celui de l’infante ; qu’il étoit très naturel à la tendresse du roi d’Espagne pour sa fille et à sa confiance aux jésuites de demander qu’elle fût instruite à son âge par un jésuite, et que, lorsqu’elle seroit en âge de se confesser, ce fût à celui-là ou à un autre de la même compagnie ; que cela n’avoit point d’inconvénient, et que je ne doutois pas du succès en cela du désir du roi d’Espagne, par celui que je connoissois en M. le duc d’Orléans de lui complaire en toutes les choses possibles ; mais que le roi d’Espagne allât jusqu’à se mêler de l’intérieur du roi son neveu, je ne croyois pas que, malgré les circonstances, cela fût mieux reçu en France qu’il le seroit en Espagne de changer le confesseur du roi d’Espagne ou quelqu’un de ses ministres à la prière de la France ; que je suppliois donc instamment Sa Révérence de faire en sorte que le roi d’Espagne se contentât de me faire l’honneur de me charger de demander de sa part un jésuite pour l’infante, sans toucher l’autre corde si délicate dont il falloit laisser la disposition au temps, au roi son neveu et à ceux qui dans sa cour et le gouvernement de ses affaires se trouveroient