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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/39

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vous n’ignorez pas à quel point je suis avec le premier président et que je ne suis pas agréable au parlement depuis la belle affaire du bonnet, où votre mollesse et votre peur du parlement, vous qui aujourd’hui la reprochez aux autres, nous à mis dans la fange, et vous dans le bourbier, par l’audace et l’intérêt du parlement, du premier président et de leur cabale, après qu’ils ont eu reconnu par là, dès l’entrée de votre régence, à qui ils avoient affaire et comment vous manier ; aussi s’y sont-ils donné ample carrière ; vous les aviez abattus par le lit de justice des Tuileries, vous ne l’avez pas soutenu ; cette conduite leur à remis les esprits, et la cabale tremblante à repris force et vigueur. Cette courte récapitulation ne seroit pas inutile, si à la fin vous en pouviez et saviez profiter. Mais revenons à moi et aux sceaux. Persuadez-vous, monsieur, que, si ces gens-là se montrent si revêches à un magistrat nourri dans leur sein, qui est leur chef et leur supérieur naturel, qu’ils aiment et dont ils se savent aimés, persuadez-vous, dis-je, qu’ils se seroient montrés encore plus intraitables avec un supérieur précaire, regardé par eux comme un supérieur de violence, sans qualité pour l’être, revêtu d’une dignité qu’ils haïssent et qu’ils persécutent avec la dernière audace et la plus impunie ; homme d’épée, qui est leur jalousie et leur mépris tout à la fois ; et homme que personnellement ils haïssent et dont ils se croient haïs. Ils auroient pris pour une insulte d’avoir à traiter avec moi ; leur cabale auroit répandu cent mauvais discours ; les députés, par leurs propos, auroient exprès excité les miens, et tout le monde vous auroit reproché et la singularité d’un garde des sceaux d’épée, et le mauvais choix d’une manière d’ennemi pour travailler à une conciliation. Voila ce qui en seroit résulté, c’est-à-dire un bien plus grand embarras pour vous, et un très désagréable pour moi. Ainsi, n’ayez nul regret à mon refus. Tenez-le, au contraire, pour un avantage, qui vous est clairement démontré par l’occasion présente, et ne regrettez que de n’avoir