Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/404

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Sa veuve demeura longtemps à Madrid, où, ennuyée enfin de la vie peu gaie et peu libre qu’on y mène, elle obtint permission de venir faire un tour en France. Elle y a conservé tant qu’elle a pu sa place et ses appointements de dame du palais de la reine d’Espagne qu’elle amusoit de ses lettres, et le cardinal Fleury des réponses qu’elle en recevoit. Ce manége ne lui valut pas la moindre chose en France, et lassa la reine d’Espagne, qui la rappeloit inutilement, et qui lui ôta enfin sa place et ses appointements, tellement qu’elle est demeurée pour toujours à Paris avec beaucoup de goutte, très peu de bien, et moins encore de considération, quoique bien dans sa famille. Elle n’a point eu d’enfants du duc de Saint-Pierre.

Popoli, Cantelmi. Une des meilleures maisons du royaume de Naples. Lors de l’avènement de Philippe V à la couronne d’Espagne, le cardinal Cantelmi étoit archevêque de Naples, et son frère le duc de Popoli grand maître de l’artillerie de Naples, de la conduite desquels le roi, et le roi son petit-fils, furent extrêmement contents. Ce duc de Popoli avoit succédé à ce duché de son frère aîné et à presque tous ses biens fort considérables dans le royaume de Naples, par son mariage avec la fille de son frère aîné, qui n’en avoit que deux, et point de garçons. Ce dernier duc de Popoli étoit un grand homme brun, bien fourni, avec un beau visage mâle, qui sentoit son grand seigneur, et un général d’armée avec toutes les manières, grandes, avantageuses, polies. Il ne se pouvoit rien ajouter à son extérieur. Il avoit beaucoup d’esprit et de conduite, encore plus de manége et d’intrigue, beau parleur, et disant ou taisant ou accommodant tout ce qu’il vouloit à ses vues, avec beaucoup d’insinuation et de grâces, haut par nature, bas à l’excès quand il croyoit en avoir besoin, ambitieux, avare à l’excès, encore plus poltron, faux, double, extrêmement dangereux, et ne se souciant que de son argent et de sa fortune à laquelle il sacrifia toutes choses.