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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/437

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dont la fille héritière porta la grandesse de sa mère à Henri de Benavidez, frère cadet du huitième comte de San-Estevan, ce grand-père, dis-je, étoit Alvar de Bazan, marquis de Santa-Cruz, ou Sainte-Croix, comme nos François l’appeloient, capitaine général de la mer, sous Philippe II. Ce fut lui qui se rendit maître de l’escadre qu’après la mort du cardinal roi de Portugal, Catherine de Médicis fit équiper pour porter un grand secours en Portugal à Antoine, prieur de Crato, bâtard du duc de Beja, second fils du roi Emmanuel de Portugal et d’une juive, qui voulut prouver le mariage de sa mère, et après la mort du cardinal roi, se fit proclamer roi à Santarem et Lisbonne, et eut un grand parti. Ses aventures ne sont pas de mon sujet. Catherine de Médicis, qui, pour relever sa naissance, se mit aussi sur les rangs sans nulle apparence de fondement de prétendre à la couronne de Portugal, avoit intérêt d’afficher cette prétention, et d’empêcher la ruine du prieur de Crato, comptant avoir meilleur marché de ce bâtard que de Philippe II. Comme cette vanité de la reine la touchoit sensiblement, et qu’elle étoit toute puissante en France, ce fut à qui s’embarqueroit sur cette escadre de toute la noblesse de la cour, et Strozzi même, parent proche de la reine, et fort avant dans ses bonnes grâces. Le marquis de Sainte-Croix, ayant battu cette escadre, 26 juillet 1582, fit mettre pied à terre à tout ce qui la montoit, fit égorger de sang-froid dans l’une des Terceires Ph. Strozzi qui la commandoit, toute cette jeune noblesse et tous les officiers, et emmena les vaisseaux et les équipages en Espagne. Une si monstrueuse inhumanité fut détestée dans toute l’Europe, mais elle plut si fort à Philippe II, qu’il fit aussitôt le marquis de Santa-Cruz grand d’Espagne. Revenons maintenant au Benavidez qui jouit [de cette grandesse], après avoir passé par une autre maison.

Le marquis de Santa-Cruz que j’ai vu en Espagne étoit pauvre et retiré chez lui dans la Manche, sous Charles II, et à l’avènement