Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 20.djvu/29

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escroquerie, que personne ne vouloit voir ni regarder, et que M. le duc d’Orléans, qui me l’a dit lui-même, chassa du Palais-Royal pour avoir volé cinquante pistoles qu’il envoyoit, par lui, à Mme de Polignac. Je la nomme, parce que sa vie a été si publique que je ne crois pas manquer à la charité, à la discrétion, à la considération de son nom.

Ce bon ecclésiastique fut une fois chassé des Tuileries à coups de pied, depuis le milieu de la grande allée jusque hors la porte du Pont-Royal, par les mousquetaires et d’autres jeunes gens qui s’y attroupèrent, avec des [clameurs] épouvantables, répétées parla foule des laquais amassés à la porte. Enfin, et c’est un fait qui fut très public, les deux capitaines des mousquetaires leur défendirent à l’ordre de le voir. Pour sortir d’un état si pitoyable, ce rebut du monde fit le converti, frappa à plusieurs portes pour être ordonné prêtre sans y pouvoir réussir, à ce que me conta lors Rochebonne, évêque-comte de Noyon, qui fut un de ceux qui le refusèrent, malgré une prétendue retraite qu’il fit dans un bénéfice qu’il avoit dans Noyon. Enfin il trouva un prélat plus traitable par la conformité de conduite. J’aurois horreur de le nommer et de dire avec quel scandale il l’ordonna contre toutes les règles de l’Église. Incontinent après, il se jeta au cardinal de Bissy et à Languet, évêque de Soissons, à qui tout étoit bon moyennant le fanatisme de la constitution, qui le rendit digne d’être grand vicaire de Soissons, où il se signala en ce genre à mériter toute leur protection. Avec ce secours et celui des jésuites, il trafiqua l’évêché de Viviers avec Ratabon, qui y avoit passé du siège d’Ypres, et que l’épiscopat ennuyoit, malgré la non-résidence. Il lui donna deux abbayes qu’il avoit, avec un bon retour, et fut sacré évêque de Viviers, au scandale universel.

L’évêque de Marseille, Belsunce, qui s’étoit fait un si grand nom pendant la peste, étoit venu à Paris sur la maladie du duc de Lauzun, frère de sa mère, qui avoit toujours