Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 20.djvu/88

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point, timide, solitaire, embarrassé du monde, avec de l’esprit et de la lecture. Il ne laissa qu’une fille de la fille du feu marquis de Lavardin, ambassadeur à Rome autrefois. Il n’avoit qu’un frère fort mal alors avec M. le duc d’Orléans, qui l’avoit même éloigné assez longtemps de Paris, à qui il avoit été assez fou pour disputer avantageusement une maîtresse, de sorte qu’il étoit entièrement hors d’espérance de la charge de son frère ; la mort si prompte de ce prince la lui rendit. L’évêque de Fréjus lui fit donner la charge, et M. le Duc, qui, par je ne sais quelle intrigue, y auroit voulu Nangis, lui donna prématurément la charge de chevalier d’honneur de la future reine, et au maréchal de Tessé, qui s’ennuyoit beaucoup dans sa prétendue retraite, la charge de premier écuyer de la future reine, qu’il avoit eue de la dernière Dauphine, lors de son mariage qu’il avoit traité, et en même temps la survivance pour son fils, en envoyant le père en ambassade en Espagne.

La maréchale d’Humières, fille de M. de La Châtre qui a laissé des mémoires [1], mourut le même jour que M. le duc d’Orléans. Elle avoit été dame du palais de la reine, et, à près de quatre-vingt-huit ans qu’elle avoit, ayant pendant cette longue vie joui toujours d’une santé parfaite de corps et d’esprit, on voyoit encore qu’elle avoit été fort belle. Elle mourut uniquement de vieillesse, s’étant couchée la veille en parfaite santé, allant et venant et sortant à son ordinaire. Elle se retira, peu après la mort du maréchal d’Humières, dans le dehors du couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques. C’est la première duchesse qui, par une dévotion mal entendue dans sa retraite, quitta la housse [2], et,

  1. Les mémoires de La Châtre font partie de toutes les collections de mémoires relatifs à l’histoire de France. Ils concernent spécialement la minorité de Louis XIV et surtout la faction des Importants, qui menaça Mazarin en 1643. La Châtre faisait partie de cette cabale.
  2. La housse était une draperie dont certaines personnes, et, entre autres, les ducs et duchesses avaient droit d’orner leurs carrosses.