Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 20.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

leur y fit faire leurs fonctions. M. le Duc fut plus accessible aux désirs de deux hommes dont il s’accommodoit. Crozat et Montargis eurent ordre de vendre, le premier à Dodun, l’autre à Maurepas, et ce ne fut pas sans de grands combats que les deux vendeurs obtinrent la permission ordinaire de continuer à porter l’ordre. En même temps M. le Duc donna le râpé de grand trésorier à d’Armenonville, garde des sceaux, et celui de greffier au premier président de Novion, qui, tout aise qu’il fût de porter l’ordre, se trouva fort mécontent de payer le serment et d’avoir des croix et des rubans bleus à acheter, et le marqua avec beaucoup d’indécence.

Enfin, ne pouvant plus tenir à exercer ses fonctions de premier président, encore moins le public, qui avoit affaire à lui sans cesse, il s’en démit en septembre 1724, après l’avoir seulement gardée un an, et s’en retourna ravi, et le public aussi d’en être délivré, à sa vie chérie de ne plus voir personne, n’ayant plus aucune charge, enfermé seul dans sa maison, et causant à son plaisir avec son voisin le charron, sur le pas de la porte de sa boutique, et mourut en sa terre de Grignon, en septembre 1731, à soixante-onze ans, regretté de personne.

Il avoit perdu son fils unique dès 1720, qui avoit laissé un fils. M. le Duc fit la grâce entière, et donna à cet enfant de quinze ans, la charge de président à mortier de son grand-père, en faisant celui-ci premier président, et la donna à exercer à Lamoignon de Blancménil, lors avocat général, jusqu’à ce que ce petit Novion fût en âge de la faire : abus fort étrange de ces custodi-nos [1] de charges de président à mortier, qui s’est introduit dans le parlement, pour les conserver dans les familles.


Me voici enfin parvenu au terme jusqu’auquel je m’étois proposé de conduire ces Mémoires. Il n’y en peut avoir de

  1. Le custodi-nos était celui qui gardait un bénéfice ecclésiastique pour le rendre à un autre au bout d’un certain temps.