Page:Saint-Victor - Tableau historique et pittoresque de Paris, 1827, T4 P1.djvu/15

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à reconnoître que c’eût été déplaire au maître que de ne pas considérer cette cour si brillante comme le seul séjour qu’ils pussent habiter ; et bientôt elle eut pour eux des séductions qui les y attachèrent sans retour. En même temps que Louis XIV traînoit ainsi à sa suite toute cette noblesse dont il avoit su dorer les chaînes et énerver le caractère, il affectoit de ne prendre ses ministres que dans des rangs inférieurs, et presque toujours dans la poussière de ses bureaux ; et c’étoit là sans doute ce que son système despotique présentoit de plus adroitement et de plus profondément conçu. En élevant ainsi des hommes nouveaux au dessus de ce qu’il y avoit de plus grand,

créatures en répandant les grâces dont ils étoient les seuls distributeurs, soit pour se présenter aux peuples comme des maîtres de qui ils avoient tout à craindre et tout à espérer. Il avoit été prouvé, par la guerre de la Fronde, que Richelieu ne les avoit point encore assez abattus. Louis XIV forma le dessein d’achever ce que ce ministre avoit commencé. La cour devint le séjour ordinaire et forcé de ces personnages éminents, et l’on finit par leur persuader qu’ils ne pouvoient être bien et honorablement nulle autre part, et à un tel point, qu’après quelques années de séjour auprès du prince ils se seroient crus exilés, si on les eût de nouveau confinés dans leurs gouvernements. Enfin, pour achever de leur ôter toute influence, l’autorité attachée à leur charge fut partagée entre les gouverneurs particuliers qui ne relevèrent plus que de la cour, et les intendants qui reçurent la plus grande part de cette autorité ; en sorte que cette qualité de gouverneur de province ne fut plus qu’un grand titre auquel étoient attachés de grands revenus. (Reboulet, t. 1, p. 557, in-4o.)