Page:Sainte-Beuve - À propos des bibliothèques populaires, 1867.djvu/11

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Messieurs,



Il faut que ce soit le sentiment bien vif d’un devoir à remplir qui m’amène ici, — qui m’y ramène malgré un état de santé très-peu satisfaisant, et quoique je sache à l’avance que la faveur du Sénat, qu’il m’a publiquement retirée dans une circonstance regrettable et mémorable, — je veux dire regrettable pour d’autres que pour moi, — quoique cette faveur, dis-je, ne doive point m’être rendue au sujet des quelques observations que j’ai aujourd’hui à lui soumettre. Mais je croirais manquer à ce que je dois à ma qualité d’homme de lettres et aussi à mon office de sénateur, si je ne disais tout haut ce que je pense sur une question où il est fait appel directement à nos convictions les plus vives et les plus profondes.

Messieurs, quand j’ai eu l’honneur d’être appelé à siéger dans cette enceinte par un effet de la bonté toute particulière de l’Empereur, je m’étais dis que je n’aurais guère qu’à profiter et à m’instruire en écoutant sur tant de questions dont la pratique et l’étude me sont étrangères les hommes les plus expérimentés, les esprits les plus mûris, et qui occupent le sommet dans toutes les branches de l’administration et dans tous les ordres de l’État. Que si j’avais, par hasard, à intervenir quelquefois et bien rarement, pensais-je, ce ne serait guère que s’il était question de littérature, c’est-à-dire de ce que je connais bien ; s’il s’agissait de défendre les intérêts de mes confrères du dehors, de rendre hautement justice à tant d’efforts laborieux, malheureusement trop dispersés, et de répondre peut-être à quelques accusations comme on est tenté d’en éle-