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« J’ai dû ne pas rester sous le coup d’une semblable apostrophe, qui avait eu du retentissement : j’en ai pris acte dans la séance du 25 juin. J’ai répondu au fond quant à la prétention doctrinale, et aussi du ton le plus vif et avec l’accent de la dignité blessée.

« Vous répondîtes sur-le-champ, monsieur, un mot qui se lit au Moniteur dans le compte rendu de la séance. Mais, avant même que vous l’eussiez prononcé, plusieurs sénateurs, à l’occasion de cette parole de vous, que je réfutais et qui m’avait blessé, prenant hautement votre parti, se sont écriés : Il a bien fait ! Tant il est vrai que cette réfutation ou cette protestation de ma part était nécessaire.

« Aujourd’hui, vous venez, monsieur, vous présenter comme l’offensé, et moi comme l’agresseur.

« Je n’accepte pas du tout cette situation, et personne parmi les lecteurs des deux séances ne voudra croire à ce renversement de rôles.

« C’est vous qui le premier avez dit la parole offensante qui domine tout le débat. Elle m’a révélé dans le collègue quelqu’un qui ne prenait pas la peine de me considérer comme tel.

« Je n’apporte dans ce débat aucun sentiment étranger ni personnel, en dehors du sujet même.

« Jamais, avant ce moment, nous n’avions eu, monsieur, aucun


    dans les 48 heures, l’homme nécessaire d’une question ou d’une cause. Je suis à mille lieues de cette combinaison ; ma conduite est des plus simples et toute personnelle. — Entre lui et moi, il n’y a pas dans tout ceci une ombre de question ou de cause ; il n’y a qu’une offense, dont je poursuis la réparation.
    xxx « Je n’ai aucun droit à me ranger parmi ceux qui « savent les choses de la pensée, de la plume et de la parole. » Mais je ne suis pas plus que lui un docteur ès armes : je suis tout bonnement un homme de mon temps et de mon pays, qui ne veux pas être insulté. Que M. Sainte-Beuve consulte ses amis, — je suis convaincu qu’il ne s’en trouvera pas un qui ne lui dise : que lorsqu’on a, de propos délibéré, comme il l’a fait, acculé un honnête homme à l’extrémité de demander une réparation par les armes, on ne doit pas la refuser, on ne le peut pas.
    xxx « Bien des remerciements, et mille pardons de vous avoir embarqué dans cette galère.

    « Votre dévoué collègue,
    « Lacaze. »

    On met cette lettre en entier telle que M. Sainte-Beuve l’a reçue en communication et qu’il en a retenu copie, parce que tout, jusque dans les termes familiers, y marque la différence du point de départ et du point de vue entre les deux parties adverses.