Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/145

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quante, et négligeait le reste ; elle se souvenait avec goût.

Elle écoutait avec séduction, ne laissant rien passer de ce qui était bien dans vos paroles sans témoigner qu’elle le sentît. Elle questionnait avec intérêt, et était tout entière à la réponse. Rien qu’à son sourire et à ses silences, on était intéressé à lui trouver de l’esprit en la quittant.

Quant à la jeunesse, à la beauté de son cœur, s’il a été donné à tous de l’apprécier, c’est à ceux qui en ont joui de plus près qu’il appartient surtout d’en parler un jour. Après la mort de M. Ballanche et de M. de Chateaubriand, quoiqu’elle eût encore M. Ampère, le duc de Noailles, et tant d’autres affections autour d’elle, elle ne fit plus que languir et achever de mourir. Elle expira le 11 mai 1849, dans sa soixante-douzième année. Cette personne unique, et dont la mémoire vivra autant que la société française, a été peinte avec bien de la grâce par Gérard dans sa fraîcheur de jeunesse. Son buste a été sculpté par Canova dans son idéal de beauté. Achille Deveria a tracé d’elle, le jour de sa mort, une esquisse fidèle qui exprime la souffrance et le repos.