de se baigner dans les flots du Nil. » Voilà l’image que le poëte pittoresque est allé chercher ; il l’a trouvée, il l’emporte avec lui. Il ne voulait que cela. Que lui fait le reste ?
Volney, Champollion, envisagent l’Égypte autrement. Napoléon l’envisage plutôt comme Volney, en observateur sévère qui n’oublie rien. Géographie, configuration, climat, mœurs, religion, obstacles et ressources, il analyse tout, il mesure tout. Puis, quand il a poussé à bout ses calculs d’ingénieur et de politique ; quand la population, dans ses diverses races, est tenue en échec ; quand il a régularisé l’inondation et organisé le désert, que tous les puits sont occupés, que pas un pied cube d’eau n’est perdu, alors seulement il lâche bride à son imagination ; il se retrace le beau idéal d’une Égypte bien gouvernée : « Mais que serait ce beau pays, après cinquante ans de prospérité et de bon gouvernement ? L’imagination se complaît dans un tableau aussi enchanteur ! Mille écluses maîtriseraient et distribueraient l’inondation sur toutes les parties du territoire ; les huit ou dix milliards de toises cubes d’eau qui se perdent chaque année dans la mer seraient réparties dans toutes les parties basses du désert… » Et il continue de la sorte, sur une base géométrique, de donner cours à un enthousiasme sévère. Il prolonge à plaisir un tableau qui, du technique, s’élève bientôt au moral dans des proportions gigantesques, et qui se couronne par la conquête de l’Indoustan et la civilisation du cœur de l’Afrique. C’est dans de telles pages qu’on sent combien Napoléon prenait au sérieux par moments sa mission de guerrier civilisateur, et qu’il n’était pas seulement une épée de plus dans cet Orient de merveilles, mais une épée lumineuse.
En écrivant il a ses images aussi, croyez-le bien, mais