Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/402

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en avoir l’air, Condorcet ne perd pas une occasion de poser, en passant, ses principes, ses solutions, et il en a sur tout sujet. Il se flatte d’avoir fait un pas en progrès au delà de Fontenelle et même de d’Alembert : là où ceux-ci croyaient sage de douter, Condorcet ne doute plus, et il nous en fait part. Même quand cela ne nuit pas à l’impartialité, ce n’est pas la marque d’un goût sévère, chez un biographe, que de faire de ces sorties fréquentes. Sans refuser enfin à son style toute espèce de qualité littéraire, il est impossible de n’y pas sentir des longueurs et des pesanteurs de phrases, des portions qui y sont comme opaques, et qui empêchent d’y pénétrer la lumière et l’agrément.

Un contemporain de Condorcet, Vicq-d’Azyr, est le premier qui ait eu à traiter plus particulièrement les Éloges des médecins, et il l’a fait avec beaucoup d’éclat à son moment. Vicq-d’Azyr était Secrétaire perpétuel de la Société de médecine fondée en 1776, et il mérita d’être reçu à l’Académie française en 1788, à la place de Buffon. On a dit de lui qu’il était le Buffon de la médecine, et cet éloge, en le réduisant comme il convient, exprime assez bien ses qualités et ses défauts. Savant médecin et anatomiste, Vicq-d’Azyr possédait, de plus, un riche et flexible talent d’écrivain et de peintre, qu’il appliquait non-seulement aux sujets à proprement parler littéraires et académiques, mais même aux descriptions purement scientifiques ; c’est dire que, de sa part, il y avait quelque abus. Ses Éloges durent plaire singulièrement en leur temps ; car, à les lire sans prévention, ils nous paraissent encore aujourd’hui très-remarquables, et les parties qui nous choquent ou nous font sourire sont précisément celles qu’alors sans doute on applaudissait le plus. Par exemple, dans l’Éloge du grand physicien Duhamel, en annonçant qu’il va le con-