Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, II, 5e éd.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
99
LA DUCHESSE DE BOURGOGNE

depuis cardinal de Polignac, est celui qui se faisait le défenseur de la Providence outragée et de la morale contre le poëte Lucrèce. Il conférait sur ces graves sujets avec le duc de Bourgogne, vers le même temps qu’il cherchait à faire son chemin auprès de la duchesse. Au départ de l’abbé pour Rome (1706), on remarqua beaucoup « que Mme la duchesse de Bourgogne lui souhaita un heureux voyage d’une tout autre façon qu’elle n’avait coutume de congédier ceux qui prenaient congé d’elle. » Elle s’enferma le reste du jour chez Mme de Maintenon, les fenêtres closes, et eut une migraine à laquelle on crut peu, et qui ne finit que par beaucoup de larmes. Peu de jours après, Madame (mère du Régent), se promenant dans les jardins de Versailles, trouva sur quelque balustrade un papier contenant un distique satirique qu’elle n’eut pas la charité de supprimer. Mais on aimait tant la duchesse de Bourgogne à la Cour, que c’était comme un parti pris pour tout le monde de lui garder le secret, et de n’épargner qu’elle seule dans la médisance universelle. On étouffa les deux méchants vers, qui pour toute autre auraient trouvé mille échos. Enfin, cette véridique et terrible Madame que j’ai déjà citée sur l’article du vin, celle même qui avait trouvé les deux vers dans le jardin de Versailles, venant ici à l’appui du propos de Saint-Simon, nous dit sans plus de façon dans ses Mémoires : « A Marly, la Dauphine courait la nuit avec tous les jeunes gens dans le jardin jusqu’à trois ou quatre heures du matin. Le roi n’a rien su de ces courses nocturnes. » Voilà les raisons qui, sans que j’y tienne beaucoup, m’ont fait hasarder un doute contraire au vœu du spirituel auteur de la Notice, et élever pour ainsi dire question contre question. Après cela, je ne demande pas mieux que de conclure avec Mme de Caylus, qui, en admettant le goût de la princesse pour M. de Nangis, se