grands littérateurs qui se croient graves ne font pas, il reste lui-même.
Je dis qu’il y a vingt ans que M. Janin s’est fait un genre et une manière à part, et qu’il a créé un feuilleton qui porte son cachet. Ceux qui ont tâté de ce métier (et je suis de ceux-là depuis quelque temps), et qui savent quel effort périodique il exige, apprécieront le degré de facilité et de verve, la force de tempérament (c’est le mot) qu’il a fallu à M. Janin pour y suffire tant d’années sans fatigue, sans ennui, pour se retrouver aussi à l’aise et aussi en train le dernier jour que le premier. Le créateur du feuilleton au Journal des Débats, Geoffroy, répondit une fois avec raison et fierté à l’un de ses adversaires : « Ce n’est pas une petite affaire d’amuser le public trois ou quatre fois la semaine ; d’avoir de l’esprit à volonté, tous les jours, et sur toutes sortes de sujets ; de traiter les plus sérieux d’un ton badin, et de glisser toujours un peu de sérieux dans les plus frivoles, de renouveler sans cesse un fonds usé, de faire quelque chose de rien… Je suis loin de me flatter d’avoir rempli toutes ces conditions ; je vois ce qu’il eût fallu faire, sans avoir la consolation de penser que je l’ai fait ; mais enfin, comme tout cela est fort difficile, n’avais-je pas droit à quelque indulgence ? » On serait bien malheureux, en pareil cas, d’en être réduit à réclamer l’indulgence, car le public n’en a guère ; il veut avant tout son divertissement et son plaisir. M. Janin, en le lui donnant, a commencé par y prendre le sien propre ; il s’amuse évidemment de ce qu’il écrit : c’est le moyen le plus sur de réussir, de rester toujours en veine et en haleine. Il se met donc avec joie, avec légèreté, à ce qui ferait la tâche et la corvée de tout autre. Il est là, dans ce cabinet, que dis-je ? dans cette jolie mansarde, d’où il écrit, et qu’il a eu le bon goût de ne jamais quitter, comme oi-