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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, II, 5e éd.djvu/197

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Lundi 10 juin 1850.

MÉMOIRES ET CORRESPONDANCE
DE
MADAME  D’ÉPINAY.

Il n’y a pas de livre qui nous peigne mieux le xviiie siècle, la société d’alors et les mœurs, que les Mémoires de Mme d’Épinay. Quand ces Mémoires se publièrent pour la première fois en 1818, le scandale fut grand. On était si voisin encore des principaux acteurs ; ils avaient disparu à peine, et leur descendance n’en était qu’à la première génération. Dans le monde et dans les familles en se montra sensible à un tel éclat comme on devait l’être ; on rougit, on souffrit. Il y eut je ne sais quel fou qui, sous prétexte qu’il était à demi parent par alliance, se mit à faire feu en tous sens et adressa placet sur placet aux ministres du roi. La littérature, de son côté, ne resta pas indifférente. Les admirateurs aveugles de Jean-Jacques Rousseau prirent fait et cause pour lui contre les nouveaux témoins qui le chargeaient et le convainquaient de folie et peut-être de mensonge. Duclos lui-même eut ses défenseurs. Trente ans de distance ont suffi pour laisser tomber bien des bruits et pour apaiser bien des émotions. Les inconvénients attachés à une ré-