tel des Principes de Newton ; elle y a joint un Commentaire algébrique, auquel Clairaut a mis la main. Ainsi, en inscrivant son nom au bas de l’œuvre de Newton, elle semblait appeler déjà la méthode d’exposition de M. de Laplace. Quel honneur pour une femme de pouvoir glisser son nom entre de tels noms !
Cet honneur-là, Mme Du Châtelet, de son vivant, l’aurait payé un peu cher, si elle avait été sensible aux railleries et aux épigrammes. Autrefois, la belle Hypatie, célèbre mathématicienne et astronome, avait été lapidée à Alexandrie par le peuple. Mme Du Châtelet, qui était moins belle, à ce qu’il semble, et qui n’avait pas non plus toutes les vertus d’Hypatie, ne fut point lapidée comme elle, mais elle essuya les fines moqueries de ce monde où elle vivait, le plus spirituel des mondes et le plus méchant. Je ne crois pas qu’il existe en français de page plus sanglante, plus amèrement et plus cruellement satirique, que le Portrait de Mme Du Châtelet, de la divine Émilie, tracé par Mme Du Deffand (une amie intime), et qui commence par ces mots : « Représentez-vous une femme grande et sèche, sans etc., etc. » C’est chez Grimm qu’il faut lire ce Portrait, qui a été mutilé et adouci ailleurs ; on n’ose en rien transcrire, de peur de brûler le papier. Il semble avoir été tracé par une Furie à froid, qui sait écrire, et qui grave chaque trait en trempant sa plume dans du fiel ou dans du vitriol. Le mot impitoyable, à chaque ligne, est trouvé. On refuse à la pauvre victime, non-seulement le naturel de ses qualités, mais même celui de ses défauts. Le trait final est aussi le plus perfide et le plus humiliant ; on l’y montre comme s’attachant à tout prix à la célébrité de M. de Voltaire : « C’est lui qui la rend l’objet de l’attention du public et le sujet des conversations particulières ; c’est à lui qu’elle devra de vivre dans les siècles