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Lundi 29 juillet 1850.

LETTRES
DE
GOETHE ET DE BETTINA,
Traduites de l’allemand
PAR SÉBASTIEN ALBIN.
(2 vol. in-8o. — 1843)

Nous avons vu une fois, si l’on s’en souvient, Jean-Jacques Rousseau en correspondance avec une de ses admiratrices qui s’était éprise de lui jusqu’à oser l’aimer. Mme de La Tour-Franqueville, après la lecture de la Nouvelle Héloïse, se monte la tête, se croit une Julie d’Étange, et elle écrit des lettres très-vives au grand écrivain, qui la traite assez mal et en misanthrope qu’il est. Il est curieux de voir comment, dans un cas analogue, le grand poëte de l’Allemagne, Goethe, traita différemment l’une de ses jeunes admiratrices, qui lui déclarait avec exaltation son amour. Mais dans ce cas, non plus que dans l’autre, il ne faut pas s’attendre à un amour vrai, naturel, partagé, à l’amour de deux êtres qui échangent et confondent les sentiments les plus chers. Ce n’est pas de l’amour proprement dit, c’est un culte ; il y a une prêtresse et un dieu. Seulement,