peut-être pas compatible avec tous ces autres dons. Il semblait que la famille de Bettina, en venant d’Italie en Allemagne, fût passée, non par la France, mais par le Tyrol, en compagnie de quelque troupe de gais Bohêmes. Au reste, ces défauts que j’indique peuvent se marquer en avançant dans la vie ; mais, à dix-neuf ans, ce n’est qu’un piquant de plus et qu’une grâce.
En parlant si librement de Bettina, j’ai presque besoin de m’en excuser, car Bettina Brentano, devenue Mme d’Arnim, veuve aujourd’hui d’Achim d’Arnim, l’un des poètes distingués de l’Allemagne, vit à Berlin, entourée des hommes les plus remarquables, jouissant d’une considération qui n’est pas due seulement aux facultés élevées de l’esprit, mais qui tient aussi aux vertus excellentes de l’âme et du caractère. Cette fée, si longtemps lutine, se trouve être, assure-t-on, l’un des plus dévoués des cœurs de femme. Mais c’est elle-même qui, en 1835, deux ans après la mort de Goethe, a publié cette Correspondance qui nous la fait connaître tout entière, et qui nous permet, qui nous oblige d’en parler si à notre aise et si hardiment. Ce livre, traduit en français par une femme de mérite qui s’est dérobée sous le pseudonyme de Sébastien Albin, est un des plus curieux et des plus propres à nous faire pénétrer dans les différences qui séparent le génie allemand du nôtre. La préface de l’auteur commence par ces mots : « Ce livre est pour les bons et non pour les méchants. » C’est comme qui dirait : Honni soit qui mal y pense !
Ce fut donc cette jeune fille de dix-neuf ans, Bettina, qui se mit un jour brusquement à aimer le grand poëte Goethe d’un amour idéal, et sans l’avoir encore vu. Un matin qu’assise dans le jardin parfumé et silencieux, elle rêvait à son isolement, l’idée de Goethe se présenta à son esprit ; elle ne le connaissait que par sa renommée,