Goethe ! elle aurait trouvé qui lui aurait rendu don pour don. Beethoven était certes aussi amoureux de l’art que Goethe pouvait l’être, et l’art serait toujours resté sa passion première ; mais il souffrait, il vivait superbe et mélancolique dans son génie, séparé du reste des hommes, et il aurait voulu s’en séquestrer davantage encore ; il s’écriait avec douleur et sympathie : « Chère, très-chère Bettina, qui comprend l’art ? Avec qui s’entretenir de cette grande divinité ? » C’est avec elle qu’il en aurait pu causer avec épanchement ; car, « chère enfant, lui disait-il, il y a bien longtemps que nous professons la même opinion sur toute chose. »
Il faut bien que tout finisse. Bettina se maria en 1811 à M. d’Arnim, et sa liaison avec Goethe, sans jamais cesser, en reçut une atteinte. Avec toute la complaisance possible d’imagination, il n’y avait plus moyen de continuer comme auparavant le rêve. Cette liaison passa graduellement à l’état de culte immuable et de souvenir. Bettina fit peu à peu des reliques de tout ce qui avait été le parfum et l’encens de sa jeunesse.
J’aurais voulu pouvoir donner une plus complète et plus juste idée d’un livre qui est si loin de nous, de notre manière de sentir et de sourire, si loin en tout de la race gauloise, d’un livre où il entre tant de fantaisie, de grâce, d’aperçus élevés, de folie, et où le bon sens ne sort que déguisé en espièglerie et en caprice. Goethe, un jour qu’il s’était longtemps promené avec Bettina dans le parc de Weimar, la comparait à la femme grecque de Mantinée, qui donnait des leçons d’amour à Socrate, et il ajoutait ; « Tu ne prononces pas une seule parole sensée, mais ta folie instruit plus que la sagesse de la Grecque. » Que pourrions-nous ajouter à un tel jugement ?
Mais, le lendemain du jour où l’on a lu ce livre, pour rentrer en plein dans le vrai de la nature et de la pas-