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CAUSERIES DU LUNDI.

Ayant subi un échec sur la question des indemnités réclamées par les États-Unis d’Amérique, M. de Broglie crut devoir se retirer du Cabinet en avril 1834 ; mais il y rentra en mars 1835, y retrouvant ses mêmes principaux collègues, et avec le portefeuille des Affaires étrangères il eut cette fois la présidence du Conseil. Ce fut lui qui, après l’attentat de Fieschi, vint proposer aux Chambres, dans la séance du mardi 4 août, les lois dites de septembre, dont le but était de faire rentrer forcément tous les partis dans la Charte, et de ne plus souffrir qu’on en remît chaque jour en question le principe. Tous les gouvernements ayant eu leurs lois de septembre, et les hommes qui les avaient combattues ce jour-là étant venus depuis, à leur tour, proposer les leurs sous le coup de la nécessité, il est plus facile aujourd’hui d’en bien juger et de s’en rendre compte avec impartialité. C’étaient des lois de conservation rigoureuse et de défense. J’ai peu réfléchi, je l’avoue, sur les moyens qui étaient de nature à faire durer le dernier Gouvernement ; mais je ne puis croire que les lois de septembre lui aient nui ; il est aujourd’hui plus que probable, ce me semble, qu’elles l’ont fait durer. En les proposant, M. de Broglie faisait évidemment violence à ses théories antérieures, à ses combinaisons constitutionnelles les plus chères, à ses vues bienveillantes de morale sociale et humaine ; mais cette fois, en face d’un forfait immense, il vit la réalité à nu, et, en homme de bien courageux, il n’hésita pas.

On a dit qu’on sentait ce jour-là dans sa parole l’accent d’un homme de bien irrité ; et, en effet, il devait l’être. Il était arrivé à ce jour où l’on reconnaît, bon gré, mal gré (et dût-on le lendemain tâcher de l’oublier

    de la Politique extérieure du Gouvernement français, 1830-1848), la série des dépêches de M. de Broglie, qui réglèrent alors la ligne de conduite de la France à l’égard de l’Autriche en particulier.