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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, II, 5e éd.djvu/453

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Lundi 2 septembre 1850.

M.  DE  BALZAC.

Une véritable Étude sur le romancier célèbre qui vient d’être enlevé, et dont la perte soudaine a excité l’intérêt universel, serait tout un ouvrage à écrire, et le moment, je le crois, n’en est pas venu. Ces sortes d’autopsies morales ne se font pas sur une tombe récente, surtout quand celui qui y est entré était plein de force, de fécondité, d’avenir, et semblait encore si plein d’œuvres et de jours. Tout ce que l’on peut et ce que l’on doit envers une grande renommée contemporaine au moment où la mort la saisit, c’est d’indiquer en quelques traits bien marqués les mérites, les habiletés diverses, les séductions délicates et puissantes par où elle a charmé son époque et y a conquis l’influence. Je tâcherai de le faire à l’égard de M. de Balzac, avec un sentiment dégagé de tout ressouvenir personnel[1], et dans une mesure où la critique seulement se réserve quelques droits.

M. de Balzac fut bien un peintre de mœurs de ce temps-ci, et il en est peut-être le plus original, le plus approprié et le plus pénétrant. De bonne heure, il a

  1. Voir dans la Revue parisienne de M. de Balzac, du 25 août 1840, l’article qui me concerne. Si je l’ai oublié, qu’on sache bien que je ne crains pis que d’autres s’en souviennent. De pareils jugements ne jugent dans l’avenir que ceux qui les ont portés.