Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, II, 5e éd.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
471
M. BAZIN.

tuel en vieillissant, et dont on cite une foule de mots charmants, était le Voltaire de ce petit groupe qui comptait de jeunes noms, dignes déjà de s’associer avec le sien. Le caractère de la jeune rédaction de la Quotidienne était de ne donner (c’est tout simple) dans aucun des lieux-communs libéraux du temps, d’en rire tout haut, et aussi de rire plus bas des déclamations et des lieux-communs monarchiques et religieux qu’elle pratiquait de si près, qu’elle semblait partager et redoubler souvent, mais auxquels elle ne tenait en réalité que par le côté politique. C’était le cas de plusieurs du moins, et de M. Bazin plus que de personne : esprit sceptique, sans enthousiasme, fort léger de croyances, il était sincèrement royaliste, comme l’eût été un voltairien du xviiie siècle, comme le doit être en général celui qui estime la majorité des hommes peu en état de se conduire raisonnablement elle-même. Mais, si l’on excepte ce fonds de croyance royaliste, il n’eût pas fallu trop le presser sur les autres articles du symbole, et un confesseur ordinaire aurait pu être scandalisé.

Ce n’est pas une biographie que je fais, mais le peu que j’ai dit était indispensable pour entrer dans l’esprit de l’écrivain et pour prendre la mesure de l’homme. M. Bazin lui-même était de ceux qui prennent tout d’abord dans leur esprit la mesure des autres, et qui peut-être souffrent un peu de ne pouvoir donner à l’instant la leur : il en résulte que, plus tard, trop tard, quand on leur accorde ce qui leur est dû, ils n’en savent pas gré, et ne répondent au succès qu’avec un demi-sourire ; l’habitude de l’ironie est contractée.

Le premier ouvrage publié par M. Bazin, les Mémoires d’un Cadet de Gascogne ou la Cour de Marie de Médicis, indique qu’à cette époque de 1830 il s’occupait