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LA DUCHESSE DE BOURGOGNE

part à l’utile, même dans le rare et dans le choisi ; il faut se faire pardonner chaque distinction par quelque titre auprès du grand nombre. Le Ménagier de Paris, publié il y a trois ans, au nom de la Société, par les soins de M. Jérôme Pichon, offre un curieux traité de morale, de civilité honnête et d’économie domestique, le tout dressé par un bon bourgeois de Paris du xive siècle, à l’usage de sa jeune femme. Ce livre nous introduit dans un riche ménage d’honnêtes gens d’alors, et l’on en sait chaque détail comme si l’on y avait vécu. Dans un tout autre genre, la Société va bientôt publier les Contes de la Reine de Navarre, revus sur les manuscrits. C’est M. Le Roux de Lincy qui est chargé de ce travail, et à qui l’on devra cette édition vraiment première et originale. Alors seulement on pourra juger du livre de la spirituelle reine, que tous les éditeurs, même les premiers éditeurs, m’assure-t-on, ont étrangement défiguré.

La Société des Bibliophiles se compose en tout de vingt-quatre membres. Si l’on parcourt la liste des membres actuels, imprimée en tête du volume de Mélanges que nous annonçons, on y remarque des noms d’amateurs qui sont, à bon droit, connus pour avoir su réunir des collections uniques en leur genre ; M. Cigongne, par exemple, qui possède le plus complet et le plus beau cabinet en fait d’ancienne poésie française. Au milieu de tous ces noms, dont quelques-uns des plus doctes et appartenant à l’Académie des inscriptions, mais dont aucuns ne sont des noms en us, on rencontre avec plaisir deux femmes, l’une que le génie de l’art a douée en naissant, et qui, entre mille grâces naturelles, a celle du crayon et du pinceau ; l’autre qui vient de montrer qu’elle n’a qu’à vouloir, pour mettre une plume nette et fine au service de l’esprit le plus délicat. Comme tout