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LA DUCHESSE DE BOURGOGNE

Maintenon des pièces saintes, quelques-unes de Duché, mais surtout Athaiie. La duchesse de Bourgogne y jouait un rôle :


« Cet amusement, dit l’auteur de la Notice, se renouvela souvent et avec succès… La vie de la duchesse de Bourgogne, jusqu’en 1705, fut donc une suite non interrompue de plaisirs choisis et d’instructions exquises. Jamais princesse n’en sut mieux profiter. Du jour de son arrivée jusqu’à celui qui l’enleva à la France, elle ne fit, pour ainsi dire, que marcher de succès en succès. Après avoir été une enfant délicieuse, elle grandit sans cesser d’être charmante ; son esprit se développa avec sa taille, et son jugement, chaque jour plus avancé, promettait une maturité précoce. On peut suivre ses progrès dans les lettres de Mme de Maintenon, dont la tendresse la surveille avec tant de sollicitude. Saint-Simon, si amer quand il blâme, trouve, pour la louer, des grâces qui semblent inspirées par elle ; Dangeau la fait aimer par le simple récit de ses moindres actions. »


Voilà le beau côté, le côté apparent et tout gracieux ; mais, à ne voir que celui-là, on prendrait peut-être du moral de la jeune princesse une idée trop flattée, l’idée de quelque chose de trop accompli, et on ne sentirait pas assez non plus à quel point devait être grand en elle le charme, puisqu’il avait à triompher de certains défauts et de certaines ombres, dont il sera à propos de parler. Voyons donc un peu de plus près, et laissons-nous guider par l’auteur même de la Notice, sauf à être plus hardi ou plus indiscret en quelques points.

La princesse qui arrivait en France à l’âge de onze ans, avait déjà reçu en Savoie une certaine éducation, surtout celle qui était nécessaire aux princes, et que la nature toute seule donne aux femmes, l’envie et le soin de plaire. Elle arriva à Montargis le dimanche 4 novembre 1696. Louis XIV était parti de Fontainebleau après son dîner, et se trouvait à Montargis avec son fils ; son frère et les principaux de sa Cour, pour la recevoir.