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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, III, 3e éd.djvu/32

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définitive, on conviendra qu’à cet âge elle dut être une enfant séduisante : les défauts ne se marquent comme tels que plus tard, la jeunesse couvre tout, et, puisque avec Mme de Genlis nous sommes à moitié dans la mythologie, je dirai : La jeunesse prête à nos défauts des ailes qui les empêchent de se faire trop sentir et de peser.

Elle épouse le comte de Genlis, qui fut depuis le Sillery mort avec les Girondins sur l’échafaud, et qui paraît avoir été un homme d’esprit et aimable. Le mariage n’interrompt point les études de Mme de Genlis ; il ne fait que les étendre et les varier. Au château de Genlis, où elle passe une saison, elle trouve le temps de jouer la comédie toujours, de faire de la musique, d’écrire un Journal de tout ce qui se voit ou se dit au château, de lire Pascal, Corneille et Mme de Sévigné, de repasser avec un chirurgien de l’endroit son ostéologie (elle savait déjà l’ostéologie), d’apprendre de plus à saigner. Elle pratique dans le village la médecine du peuple, le livre de Tissot à la main, et elle a dans l’autre main une lancette pour saigner tout paysan qui se présente : comme elle leur donnait trente sous après chaque saignée, il s’en présentait beaucoup. Tant de soins multipliés sont loin de l’absorber tout entière : elle monte encore à cheval avec un officier de fortune qui se trouve dans le voisinage, et devient très-habile en équitation ; elle fait de longues chasses au sanglier et court plus d’un hasard. On croira que j& me moque, mais laissons-la parler elle-même ; on n’est jamais mieux peint que par soi, du moment qu’on parle et qu’on écrit beaucoup :

« Cette nouvelle passion, dit-elle de son goût pour les exercices de cheval ; ne me fit négliger ni la musique, ni l’étude. M. de Sauvigny [littérateur d’alors spirituel et pas trop médiocre) me gui-