et de la lecture familière des poètes grecs, il a su en
combiner l’imitation avec une pensée philosophique
plus avancée et avec un sentiment très-présent de la
nature. Sa Grèce à lui, c’est celle d’Alexandrie, comme
pour M. de Laprade ; et M. de Lisle l’élargit encore et
la reporte plus haut vers l’Orient. On ne saurait rendre
l’ampleur et le procédé habituel de cette poésie, si on
ne l’a entendue dans son récitatif lent et majestueux ;
c’est un flot large et continu, une poésie amante de
l’idéal, et dont l’expression est toute faite aussi pour
des lèvres harmonieuses et amies du nombre. Je
pourrais en détacher des tableaux pleins de suavité et
d’éblouissement, les amours de Léda et du Cygne sur
l’Eurotas, le Jugement de Pâris sur l’Ida entre les trois
déesses ; mais j’aime mieux, comme indication
originale, donner ici la pièce intitulée Midi. Le poète a
voulu rendre l’impression profonde de cette heure
immobile et brûlante sous les climats méridionaux, par
exemple dans la Campagne romaine. C’est la gravité
solennelle d’un paysage du Poussin, avec plus de
lumière :
Midi, roi des Étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L’air flamboie et brûle sans haleine ;
La terre est assoupie en sa robe de feu.
L’étendue est immense et les champs n’ont point d’ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux ;
La lointaine forêt, dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.
Seuls, les grands blés mûris, tels qu’une mer dorée,
Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil ;
Pacifiques enfants de la terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du soleil.