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CAUSERIES DU LUNDI.

De même qu’au seizième siècle les guerres de religion eurent plus d’une période et d’un accès, de même, au dix-septième, ces guerres littéraires. La querelle des Anciens et des Modernes est, à sa manière, non pas une guerre de trente ans, mais une guerre de quarante-huit ans ou de cinquante. Il y a eu des intervalles de sommeil et des reprises d’hostilités. Il y a eu la phase française, la phase italienne, la phase anglaise. En France, où s’est passé le fort du débat, on commence à le dater de Des Marets de Saint-Sorlin, vers 1670 ; les manifestes de cet esprit un peu extravagant, et qui mêlait quelques bonnes idées à beaucoup de chimères, devancier de Chateaubriand en théorie et qui faisait mieux que pressentir la veine de poésie propre au Christianisme, se prolongèrent jusqu’en 1675. Ce n’était qu’un prologue ou un premier acte. Le second s’ouvre avec Perrault, qui rallume la guerre en lisant à l’Académie française son poëme du Siècle de Louis-le-Grand, composé tout à la glorification de l’âge présent et au détriment de l’Antiquité (1687). Le Parallèle des Anciens et des Modernes suivit de près ; Boileau intervient comme contradicteur et principal adversaire. Cette seconde guerre classique dure jusqu’en 1694 et finit par une paix plâtrée, par la réconciliation, du moins extérieure, des deux contendants, grâce à l’entremise du grand Arnauld. Vingt ans après, La Motte réveille les hostilités en publiant son imitation en vers de l’Iliade, accompagnée d’un Discours irrévérent sur Homère (1714) ; madame Dacier prend feu, les érudits se fâchent ; on en vient aux gros mots. Il s’ensuivit pendant deux années une mêlée des plus vives et des plus générales, qui se termina par un souper de réconciliation entre La Motte et madame Dacier, sous les auspices de M. de Valincour (1716). Les troupes légères une fois lancées cependant, et qui n’étaient pas de ce souper, continuèrent d’escar-