Page:Sainte-Beuve - Le Clou d’or, 1881.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je passai dans l’autre pièce et je dus y rester un peu plus longtemps ; car je n’y avais pu entrer la dernière fois et la pendule s’était arrêtée. Pendant que je poussais l’aiguille et attendais à chaque heure la fin de la sonnerie (pardon de ces détails de métier), et que tout un siècle d’émotions se passait dans son cœur et débordait de ses doigts, quelqu’un entra dans l’autre pièce, et je n’entendis que ces mots :

« Est-ce vous qui étiez hier au soir à l’Opéra ? et avec qui ? »

Quand je repassai, en traversant rapidement le salon, j’eus le temps de voir sur le front de la jeune femme la douleur, la passion, la jalousie ; et la fierté enflammée de ses traits m’éclaira sur le sens de ce peu de mots. Mais quel fut mon étonnement de reconnaître dans ce jeune homme un visiteur favorisé que je venais de rencontrer, une demi-heure auparavant, dans un boudoir élégant de la rue du Helder