Page:Sainte-Beuve - Le Clou d’or, 1921.djvu/160

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Et il la rassurait, la conjurait de rester ainsi, et qu’il l’aimait pour telle, et qu’il s’estimerait éternellement malheureux comme objet d’une passion moindre. Elle le croyait un moment ; mais le lendemain elle revenait à la charge, et disait : « Hier, dans mon amour de vingt ans, je croyais qu’il n’y a rien d’impossible, de la part d’un homme qui aime, pour l’objet aimé. Mon ami, c’était une illusion. Aujourd’hui j’ai vieilli, j’ai réfléchi, je me suis donné tort ; et vous n’avez, mon ami, à recevoir aucun pardon, n’étant en rien coupable. » La combattant sur ce découragement qu’il sentait injuste, il obtenait de meilleurs aveux, et négligeait ces petits souvenirs accumulés, les croyant dévorés chaque fois par la passion survenante. Il comptait de toute certitude sur elle, sur