Page:Sainte-Beuve - Le Clou d’or, 1921.djvu/198

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Dante, Pétrarque, ces mélodieux amants ont pu noter l’an, et le mois, et l’heure, où le dieu leur vint ; ils ont eu l’étincelle rapide, sacrée, le coup de tonnerre lumineux. Un autre aussi sincère, après deux années de lenteur, a pu dire :


Tout me vint de l’aveugle habitude et du temps.
Au lieu d’un dard au cœur comme les combattants,
J’eus le venin caché que le miel insinue,
Les tortueux délais d’une plaie inconnue,
La langueur irritante où se bercent les sens ;
Tourments moins glorieux, moins beaux, moins innocents,
Mais plus réels au fond pour la moelle qui crie,
Qu’une resplendissante et prompte idolâtrie !


Chacun à son tour se croit le mieux aimant et le plus frappé. La jeunesse va penser que ces chers orages ne sont complets que pour elle : attendez ! l’âge mûr en son retard, s’il les rencontre, les accusera plus violents et plus amassés.