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MARIE LECKZINSKA

hommes, nous sommes des curieux, non pas grossiers, je l’espère, mais chercheurs et aimant à faire le tour des choses. Nous userons du charmant biographe, et nous ferons un peu autrement. Nous ne pourrons faire mieux, car dans un portrait il n’est rien de tel que la vérité et l’unité de la physionomie, et Mme d’Armaillé y a atteint du premier coup. Mais elle a peint, elle a dessiné, et nous, nous causons, nous écoutons, nous répétons.

I.

La vertueuse épouse de Louis XV n’a eu de romanesque que les commencements. Fille d’un roi électif et détrôné, ayant connu de bonne heure les vicissitudes extrêmes de la fortune, moins princesse que noble et pauvre demoiselle, elle était avec son père et sa mère au château de Wissembourg, profitant de l’hospitalité française à la frontière et vivant avec les siens d’une pension assez mal payée, lorsqu’on vint lui annoncer qu’il ne tenait qu’à elle d’être reine de France.

Au premier avis qui lui en vint (avril 1725), Stanislas ne voulait pas y croire ; quand il vit que c’était sérieux, il faillit s’évanouir de joie, et il y en a même qui disent qu’il s’évanouit tout à fait. L’on raconte qu’entrant dans la chambre où étaient sa femme et sa fille, il leur dit pour premier mot à toutes deux : « Mettons-nous à genoux et remercions Dieu. — Ah ! mon père, s’écria la princesse Marie, vous êtes donc rappelé