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APPENDICE.

A veoir passer archiers et gens du roy !
Ha ! mauvais jour où la vile en esmoy
Portant ès cieulx chants et cris d’alégresse
Devers iceulx courut en grant liesse !
Dames, plaignez ma jeunesse perdue,
Fleur primtanière en sa tige mordue
Et desséchée ! Ha ! povre Lyonnoise,
Que ce voiage, hélas ! à ton cueur poise !
Tu has trop tost cogneu pour ton malheur
De ses yeux bruns le charme enmielleur ;
Tu has trop tost en tes baisers de flame
Laissé fuir sur ses lèvres ton ame.
Mais quoi ? Amour au berceau m’ha faict sienne,
Comme jadis Sappho, la Lesbienne.
Ce fol Amour, archier de grant renom,
M’ha dans les camps de Mars, son compaignon,
Faict enroller, moi gentille fillette
De seize hyvers, et m’ha donné sajette
De son carquois, et m’ha dict : — « Belle amie,
Avec ce fer frape et n’espargne mie
Gents cavaliers ; cil que tu frapera,
Tant dur qu’il soit, je dys qu’il t’aimera. » —
Ainsi ha dict et juré sur sa foy ;
Mais n’ha pas dict : « Il n’aimera que toi ! »

« M. Gérusez lut la pièce du ton grave dont il nous disait dans la Chanson de Turold :

Compaing Rolland, sonnez votre olifan !

« Il fut ou parut être la dupe de cette espièglerie, reprocha à Vignon d’avoir omis ce texte important, reçut ses excuses et mit le manuscrit dans sa poche… »

En prenant sur moi de citer cette jolie lettre qui vaut mieux que tous les commentaires et qui en dispense, je ne puis m’empêcher de nommer et de remercier M. D. Ordinaire, trop modeste, et qui soutient si bien l’honneur de l’Université dans son enseignement comme professeur de rhé-