Page:Sainte-Beuve - Nouveaux lundis, tome 5.djvu/334

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versé, que l’on nierait l’avantage qu’il peut y avoir à posséder chez soi les tableaux anciens dans des copies harmonieuses, élégantes, suffisamment ressemblantes et fidèles, et qu’on ne priserait plus guère, en fait de traductions, .qu’un calqué rude, sec, inélégant, heurté ? le suis moins étonné de ce changement de goût que je n’en ai l’air ; il s’explique très-bien et se justifie même en grande partie. Dans cette incessante variabilité des modes et des vogues littéraires, les traductions, notamment, sont chose essentiellement relative et provisoire ; elles servent à l’éducation des esprits, elles en sont la mesure, et il n’y a rien d’étonnant qu’à un moment venu, ils s’en passent ou en veuillent d’une autre sorte et d’une autre marque. Traduire en vers surtout est une entreprise qui suppose entre l’auteur et les lecteurs certaines conditions convenues, qui doivent changer d’un âge à l’autre. Quoi qu’il en soit, Delille ouvrit la marche dans notre littérature et commença par Virgile ; chacun le suivit dans cette voie : Daru un peu lentement et pédestrement pour l-Iorace ; Saint-Ange, avec une obstination parfois couronnée de talent, pour Ovide ; Aignan sans assez de feu et trop médiocrement pour Homère ; Saint-Victor, le père du nôtre, par une vive, légère et encore agréable traduction d’Anacréon. On eut le Tibulle de Mollevaut, les Bucoliques par Tissot. Delille, en traduisant le Paradis perdu, avait également ouvert la voie et donné le signal du côté des modernes ; Baour-Lormian, assez heureux avec Ossian et les poésies galliqiles’, s’attaquait imprudemment à la Jèrusalem délivrée. C’était à qui, dans les littératures anciennes