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Page:Sainte-Beuve - Nouveaux lundis, tome 5.djvu/5

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d’auteurs jeunes, et, une fois le fil perdu, on ne le rattrape pas aisément. Ces productions légères veulent être saisies et goûtées au fur et à mesure, à l’heure où elles paraissent, non pas prises en bloc et soldées comme un arriéré. Le raccourci leur fait tort. Je le sens aujourd’hui et reconnais ma faute en venant parler si tard des romans, des scènes et proverbes de M. Octave Feuillet. Il y a dix ans que j’aurais dû commencer à le faire.

Je l’aurais dû également pour d’autres : il y a des termes de comparaison et de contraste qui manquent à quiconque ne se tient pas dans tout le courant du genre, à qui ne vit pas en plein milieu. Pourquoi y a-t-il des romanciers distingués dont toute l’œuvre aura passé sans que j’aie dit le plaisir ou l’estime qu’on leur doit ? Pourquoi, par exemple, les agréables et élégantes productions de M. Amédée Achard ne m’ont-elles pas, un jour ou l’autre, arrêté ? Pourquoi les spirituelles, les vives et pétillantes peintures de M. About ne m’ont-elles pas sauté aux yeux et pris de force ? Pourquoi de vaillants essais (moi qui les aime en tout genre), de consciencieuses et fermes études de M. Ferdinand Fabre, un fort élève de Balzac, sur les curés de village dans le Midi, m’ont-elles seulement tenté sans me décider ? Et ainsi de plus d’un volume que je vois d’ici mis en réserve sur cette petite table ronde, et qui me sont autant de remords. Pourquoi semblé-je ignorer, quand réellement j’en fais cas, et les délicats et les sensibles, les Deltuf et les Paul Perret, et les terribles dans le réel, les Barbara ; et Mme Figuier, le peintre des mœurs lan-