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THÉOPHILE GAUTIER. s10

de lui apprendre avant tout ‘à voir et à regarder. Gantier a appliqué ici aux tableaux peints le même procédé qu’il a suivi à l’égard des tableaux naturels et des climats : la SOILWLÊSSÏON’absolue à l’objet. Il rend cet objet sans réagir et le réfléchit sans lui résister. Il a en cela une vue plus sérieuse et plus lointaine qu’on’né le supposerait. Les tableaux, hélasl tous sans distinction, les plus belles toiles comme les plus médiocres, doivent disparaître dans un temps donné ; la gravure perpétuera la composition et les traits, non les couleurs. Imaginez ce que ce serait si un Pausanias, un Pline, avaient fait autrefois pour les tableaux des anciens exactement ce que Théophile Gautierfait aujourd’hui pour les nôtres : les érudits seraient dispensés de tant conjecturer sur ce qu’ils ne savent pas bien. On ne connaît plus les tableaux grecs ; il faut les deviner. Au lieu d’appliquer le Quintilien à la peinture, que n’y a-t-on appliqué à temps le ’l’héophile Gantier, sauf à laisser les Quintilien d’alors crier à la confusion des genres, à la corruption du goût et à la décadence ? Et puis il faut tout dire : comme lui-même, si humble et si soumis de scripteur qu’il soit, il n’est, après tout, dans cette tâche dont il s’acquitte si ‘en conscience, qu’un peintre et un poëte dévoyé, il est juste qu’il se ménage de temps à autre de petites satisfactions et jouissances, dest-à-dire des morceaux d’exécution. Il profitera donc des tableaux qu’il décrit comme d’un prétexte. À Il faut bien, dit-il, se donner quelques dédommagements et des consolations ;-il faut aussi montrer son petit talent, essayer dans son art quelque