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P.-J. PROUDHON.

l’être. Une partie de ces objections lui furent faites. Avec sa confiance ordinaire et son besoin d’espérer à force de désespoir, il passait outre :

« … C’est dans cette disposition d’esprit, disait-il (24 octobre 1847), que je vais commencer mon journal. Je dis mien, quoique la chose, l’affaire, comme disent les commerçants, ne m’appartienne pas ; mais c’est que je suis le seul qui puisse donner vie et succès à l’entreprise. Le prospectus, sorti en partie de ma plume, est irréalisable pour tout autre que moi : cela est si vrai, que les fondateurs, rédacteurs, actionnaires et souscripteurs sont fort en peine de savoir comment je sortirai de là. Je dis donc que le journal est mien, et j’entends qu’il se conforme en tout à mes sentiments : y sino, no.

« Tu conçois qu’en me faisant journaliste, je ne vais pas mener ma barque à la façon des autres et faire une concurrence de paroles avec mes futurs confrères de la presse parisienne. Qu’ils fassent leur métier comme ils l’entendent, qu’ils vendent des premiers-Paris, des feuilletons-romans, de la méchante critique, des faits divers et des annonces : cela ne me regarde pas. Quand nous en serons là, nous verrons.

« Le journal le Peuple sera le premier acte de la révolution économique, le plan de bataille du travail contre le capital, l’organe central de toutes les opérations de la campagne que je vais commencer contre le régime propriétaire. De la critique je passe à l’action ; et cette action débute par un journal. J’espère que la rédaction sera aussi originale que la position est exceptionnelle : si Dieu me prête vie et santé, une fois l’impulsion donnée et la marche tracée, les coopérateurs viendront en foule, et tout ira à merveille.

« Je conçois parfaitement tes critiques relativement au titre du journal. Ce titre m’a été imposé à moi-même :