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PORT-ROYAL.

considéré comme partie ; que, si même on ne le pouvoit pas exclure, on se résoudroit en tout cas de lui opposer une personne de même dignité, comme MM. de Novion et de Mesme, M. de Saint-Paul convint que madame de Chavigny se faisoit tort d’insister à la nomination d’un tel arbitre et promit de la voir encore pour la presser de s’en départir ou pour accepter en tout cas l’augmentation d’arbitres que l’on proposoit.
« Le 25, M. de Saint-Paul manda à M. de Bagnols par un billet que cette dame ne vouloit point se départir de M. de Maisons ; que l’on y joignoit M. Tubeuf et que l’on nommoit pour docteur de Sorbonne M. Rousse, le curé de Saint-Roch ; que ces arbitres se rendroient chez lui le lundi suivant et que l’on attendoit incessamment sa réponse. La nomination de M, Tubeuf fit juger aux dépositaires que madame de Chavigny ne cherchoit pas la décharge de sa conscience dans le jugement arbitral, mais qu’elle ne pensoit qu’à ses intérêts. On remarqua aussi que M. Tubeuf n’ayant aucun caractère de juge, il y auroit contestation entre lui et M. de Lamoignon qui avoit été nommé de la part des dépositaires.
« Le 26, les dépositaires reçurent avis de Port-Royal des Champs qui portoit qu’ils dévoient sortir des mains des arbitres séculiers le plus doucement qu’ils pourroient et s’en tenir à la décision des trois docteurs de Sorbonne. Toutes choses considérées, on inclina à rendre les papiers à la veuve sans condition, en lui déclarant que l’on en chargeoit sa conscience : qu’elle n’y avoit rien et que son mari les avoit retranchés de son bien sans aucun scrupule ni dessein de faire des aumônes, mais par une pure nécessité. Il fut aussi proposé de suivre l’avis de Port-Royal des Champs qui tendoit à terminer cette affaire par l’avis des trois docteurs de Sorbonne ; mais, avant que de se déterminer à l’un de ces deux partis, il fut avisé d’envoyer à cette dame une personne qui lui fût agréable et affidée aux dépositaires pour lui déclarer que l’humeur et les conditions des arbitres laïques qu’elle avoit nommés leur déplaisoit fort ; qu’ils ne pouvoient rendre juges d’une affaire de cette importance des personnes aussi humaines et aussi séculières que l’étoient ceux-là, et qu’ils ne pouvoient trouver en leurs avis la décharge qu’ils cherchoient devant Dieu et devant les hommes. Et pour témoigner la répugnance qu’on avoit de les prendre pour arbitres, il fut arrêté que l’on consentiroit plutôt à lui remettre les papiers qu’à subir leurs jugements.
« Le 27, M. Singlin alla prier madame du Plessis-Guénegaud de se charger de cette commission, et il apprit chez elle que M. Molé, Président et Garde-des-Sceaux savoit l’affaire. Madame du Plessis ayant été dîner pour cet effet chez madame de Chavigny rapporta que cette veuve se rendoit à prendre l’un des deux avis qui avoient été concertés le jour précédent, acceptant ou de prendre les papiers et faisant espérer beaucoup plus de satisfaction qu’on n’en recevroit par une autre voie, ou à (sic) subir le jugement des docteurs de Sorbonne. Avant que de se déterminer on voulut apprendre les sentiments de M. de Saint-Paul qui s’étoit beaucoup entremis dans cette affaire. Il conseilla aux dépositaires de remettre les papiers au docteur de Sorbonne qu’ils avoient nommé de leur part, d’en charger la conscience de la veuve, de lui faire entendre tout ce que l’on savoit de secret dans cette affaire pour lui faire craindre les jugements de Dieu si elle retenoit ce que son mari avoit retranché de ses biens par de très-bonnes et très-justes causes, et au surplus que l’on attendoit le jugement des docteurs pour décider, terminer et déclarer tout ce qu’en leur conscience ils croiroient devoir faire raisonnablement. Cet expédient fut accepté à la réserve de la remise des papiers