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APPENDICE.

seroit aisé de la contenter ; mais que, si elle ne vouloit pas consentir que les arbitres donnassent une sentence ou avis pour la décharge des dépositaires, il étoit impossible de rien relâcher ; que, quant au compromis, on aviseroit si on pouvoit s’en passer. M. de Saint-Paul dit qu’il étoit bon de prendre du temps pour délibérer de toutes choses et qu’il suffisoit qu’on se revît dans deux jours pour rapporter de part et d’autre les résolutions qu’on auroit prises.
« Le 22, on consulta M. Le Nain, maître des Requêtes. Son premier sentiment fut de plaider la cause, croyant qu’elle se soutiendroit fort bien en justice. Mais ayant depuis écouté les raisons qui avoient obligé à prendre la voie de l’arbitrage, il fut résolu avec lui, et par l’avis de tous ceux qui avoient connoissance de cette affaire, que M. de Bagnols, conférant avec M. le curé de Saint-Paul, pourroit se relâcher du compromis, et insisteroit par tous bons moyens à demander la décharge des dépositaires signée des arbitres ; et que s’il jugeoit, avant que de le quitter, qu’il fût impossible de l’obtenir, il se réduiroit à l’expédient qu’on avoit mandé de Port-Royal des Champs, qui étoit une déclaration par écrit que l’on prendroit de M. de Saint-Paul, par laquelle, afin de prévenir et de dissiper les faux bruits qui pourroient courir sur cette affaire, comme il en avoit couru sur le sujet de la confession et de l’absolution de M. de Chavigny, il certifieroit le public qu’il ne s’y est rien passé que dans les voies d’honneur et de piété ; et qu’ayant été choisi pour principal ou plutôt unique entremetteur, il peut s’assurer que toutes les personnes s’y sont conduites selon le vrai esprit du Christianisme, qui est un esprit de charité, de vérité et de paix, dont il a été lui-même très-édifié ; et que même M. Singlin s’est déchargé entre ses mains de ce dont il avoit été chargé, ayant cru qu’il n’y en avoit point de plus favorables dans une affaire de conscience que celles d’un pasteur ; qu’il a cru être obligé pour l’honneur de toutes les personnes qui l’ont bien voulu avoir pour médiateur et pour le sien propre, de rendre ce témoignage à la vérité.
« Dès le soir du même jour, M. de Bagnols fit entendre ce que dessus à M. de Saint-Paul, à la réserve du dernier expédient, parce qu’il n’en fut pas besoin ; et ce curé crut que la décharge étoit nécessaire non-seulement pour les dépositaires, mais même à l’égard de la veuve. Il demanda néanmoins du temps pour l’y engager formellement. Il fut parlé dans cet entretien des suspicions que ces dépositaires avoient contre M. le Président de Maisons après la déclaration qu’il avoit faite, et M. de Saint-Paul les approuva et promit d’en parler à madame de Chavigny. M. de Bagnols lui dit encore qu’un de leurs arbitres avec lequel ils avoient conféré de cette affaire la trouvoit trop grande pour être discutée au nombre de cinq qui avoit été arrêté à la conférence précédente, et que l’on seroit bien aise d’en ajouter encore un de chaque côté. Il rejeta cette proposition et témoigna au surplus être fort édifié de la conduite que l’on tenoit, qu’il dit être très-sage, très-prudente et très-désintéressée.
« Le 24 d’octobre, M. de Bagnols étant allé voir M. de Saint-Paul qui étoit malade, apprit de lui que madame de Chavigny agréoit l’avis ou le jugement des arbitres que les dépositaires demandoient pour leur décharge, mais qu’elle insistoit à garder M. le Président de Maisons. Sur quoi M. de Bagnols lui ayant répliqué qu’il étoit difficile que l’on pût se résoudre à le souffrir, attendu qu’il s’étoit trop ouvert dans cette affaire, parlant désavantageusement de la conduite des dépositaires et que, son nom étant dans les papiers comme débiteur d’une grande somme, il pouvoit être