se plaît à montrer Pélage à son début, se mettant involontairement en colère et se trahissant si un évêque, à Rome, lui allègue ce mot d’Augustin qui enferme toute la vraie doctrine, ce mot qui est comme la pointe même du glaive : « Da quod jubes, et jube quod vis : mon Dieu, donne-moi ce que tu m’ordonnes, et ordonne-moi ce que tu veux ! »
Jansénius (moyennant toujours son Augustin) poursuit donc le Pélagianisme dans tous ses états et ses déguisements successifs, à travers ses métamorphoses, en l’insultant, en l’exorcisant, en lui disant : Toi, encore toi ! Il le montre, d’une part, dégradant autant que possible l’homme primitif, l’Adam de l’Eden, et lui imputant déjà certains mouvements, certains plaisirs, certaine pudeur, une espèce de mort, enfin le propre déjà de la nature déchue ; et, d’autre part, relevant et colorant cette nature actuelle de l’homme, comme si elle n’était pas tout à fait perdue et misérable. On conçoit, en effet, ce double travail du Pélagianisme, qui, voulant combler l’abîme de l’intervalle, diminuait la hauteur de l’Éden et relevait autant qu’il se pouvait la profondeur de la terre. Quand Jansénius parle des misères de ce monde que les Pélagiens déguisent, il est éloquent ; il l’est, ainsi qu’Augustin, à la manière de Pline l’ancien, qui nous fait voir l’homme nu, jeté, en naissant, sur la terre nue. Mais Pline en concluait contre Dieu ; Augustin et Jansénius en concluent pour l’immensité de la Chute et la nécessité du Rédempteur.[1] Parlant de ces
- ↑ Livre III (De Hœresi Pelagiana), chapitre XV, et livre II (De Statu Naturœ lapsœ), chapitre I, dans lequel est cité un passage de Cicéron favorable à l’idée de Chute. — M. Joubert, dans ses Pensées, a merveilleusement touché et fait saillir ce point central du Jansénisme : « Les Jansénistes, dit-il, ont trop ôté au bienfait de la Création, pour donner davantage au bienfait de la Rédemption… Ils ôtent au Père pour donner au Fils. » Les Pélagiens, au contraire, et tous les Déistes rendent d’autant plus au