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PORT-ROYAL.

le bonnet de docteur : M. de Saint-Cyran lui en fit reproche dans de belles Lettres sur le Sacerdoce, et M. Guillebert, aussitôt reçu docteur, se hâta d’aller prendre possession de Rouville, en 1642. Il y fit, comme on dirait aujourd’hui, un réveil religieux, qui se répandit dans tout le pays ; on y appelait ces chrétiens régénérés les Rouvillistes. En 1646, M. Pascal, intendant de Rouen, étant touché de Dieu avec tous les siens, se mit sous la conduite du docte et saint curé de Rouville. Voilà donc Pascal qui, au bout de cette allée, s’achemine de loin vers Port-Royal, comme déjà nous savons que Racine naissant grandit pour y être élevé. — De sa prison, M. de Saint-Cyran dirigeait, discernait encore M. de Rebours, qui allait devenir un des confesseurs de Port-Royal de Paris et le plus fidèle auxiliaire de M. Singlin. Il conseillait et guidait le jeune M. de Luzanci, fils de M. d’Andilly, alors âgé seulement de dix-huit ans, et qui, d’abord page du cardinal de Richelieu, puis enseigne dans la garnison du Havre, s’était senti saisi, durant une maladie grave, du saint désir d’imiter son cousin M. de Séricourt. M. de Luzanci se retira dans le premier moment à Saint-Ange en Gâtinais, terre de la baronne de Saint-Ange, une des meilleures amies de M. d’Andilly et de M. de Saint-Cyran, femme du premier maître d’hôtel d’Anne d’Autriche, et qui, devenue veuve, sera religieuse un jour à Port-Royal sous le nom de sœur Anne-Eugénie. Dans ce commencement de retraite, le jeune militaire obtenait de M. de Saint-Cyran de se livrer aux fatigues de la chasse pour tromper toute feinte de l’oisiveté : « David, lui écrivait l’excellent guide, David jeune comme vous êtes, et déjà touché de Dieu, poursuivoit les lions et les ours, et, en les tuant, il se représentoit les victoires des Justes sur les Démons. » En même temps qu’il répondait par ses conseils à M. de Lu-