Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
PORT-ROYAL.

dans la manière d’entendre et de pratiquer la piété, dans la manière aussi d’écrire la théologie. Sans dire rien de bien nouveau pour les hommes mêmes de Port-Royal, lesquels d’ailleurs, à cette époque, étaient encore très peu nombreux, sans embrasser non plus toute l’étendue et la profondeur vive des principes de Jansénius et de Saint-Cyran, il proclama et divulgua en un instant au dehors cette doctrine restaurée de la pénitence, et le fit dans un style clair, ferme, méthodique, nourri et comme tissu de citations décisives des Pères et de l’Écriture ; il en informa le public, les gens du monde, les étonna, les fît réfléchir, les édifia. Ce fut, à vrai dire, le premier manifeste de ce Port-Royal de Saint-Cyran, qui jusque-là était demeuré assez dans l’ombre, dans une sorte de mystère conforme au genre d’esprit du grand Directeur et à sa manière peu transparente tant d’agir que de parler. Sa prison sans doute et la retraite de M. Le Maître avaient fait grand éclat ; mais c’était un éclat ou un éclair dans le nuage, et le nuage s’était reformé. Arnauld vint rompre ces voiles, et nettement, à haute voix, expliquer à tous en quoi consistait cette doctrine nouvelle de piété et de pénitence, qui n’était autre que l’antique et unique esprit chrétien.

L’origine même du livre et l’occasion qui le fit naître recelaient les orages qu’il excita. La princesse de Guemené, on l’a vu, se conduisait ou tâchait de se conduire d’après les conseils de M. de Saint-Cyran prisonnier. La marquise de Sablé la pressa d’aller au bal un jour qu’elle avait communié ; madame de Guemené s’en excusa sur la défense de son directeur. Le Père de Sesmaisons, jésuite, qui conduisait alors madame de Sablé, n’était pas si difficile. De là explication entre ces deux dames. Le Règlement de conduite que madame de Guemené tenait de M. de Saint-Cyran ou de M. Singlin fut remis à madame de Sablé, et par elle au Père de